2010/12/24

Cinéma et censure

Jafar Panahi (Hors-jeu, Ours d'argent, Festival de Berlin, 2006)

Depuis la nuit des temps, l’art est un moyen très efficace de dénonciation, de critique, de promotion, d’éloge ou encore de simples représentations du monde. Le cinéma, depuis son apparition à la fin du XIXème siècle, occupe une place de choix dans ce rôle de sentinelle attentive aux aléas de l’Histoire, aux soubresauts de l’actualité. De La sortie de l’usine Lumière à Lyon, en passant par La guerre du feu, Kagemusha, M le maudit, Spartacus, La dolce vita, Berlin Alexanderplatz, Les raisins de la colère, Full metal jacket, ou encore jusqu’au récent Valse avec Bachir, le cinéma devient le dénonciateur des injustices, de la tyrannie des hommes ou des multiples réalités sociales. Le cinéma dérange aussi, les polémiques sont nombreuses et récurrentes. Je vous salue Marie, La dernière tentation du Christ, Salò ou les 120 journées de Sodome sont quelques films, parmi tant d’autres, qui ont suscité le débat d’idées, la censure et parfois même la violence. Les idéologies politiques ont souvent fait l’objet du travail des plus grands cinéastes et donnent souvent lieu à de vifs débats. Eisenstein, Pasolini ou encore Visconti, communément liés aux idéaux communistes, ont abordé la lutte du prolétariat, les injustices sociales ou la révolution sociale avec beaucoup de justesse. Si le débat est fréquent lorsque certains films abordent des thèmes politiques, sociaux ou religieux, les restrictions que peuvent éventuellement revendiquer certaines tendances plus extrêmes de l’Occident ne sont évidemment pas comparables aux pratiques d’autres sociétés beaucoup moins tolérantes. Le cinéaste iranien Jafar Panahi viens d’être condamné à 6 ans de prison et 20 ans d’interdiction de réalisation, d’interview ainsi que de sortie de son pays. Son appui à la candidature d’opposition de Hossein Moussavi, durant les dernières élections présidentielles de 2009, lui valut déjà une arrestation en mars 2010. Durant son emprisonnement de 88 jours, coïncidant avec le Festival de Cannes où il intégrait le jury, Jafar Panahi entame une grève de la faim en protestation contre les mauvais traitements qu’il subit en prison. On retiendra trois films de Panahi, trois dérangeant pour les acolytes de Ahmadinejad: Le cercle (2000), qui aborde la condition de la femme en Iran et en particulier la prostitution ; Sang et or (2003), qui retrace les difficultés vécues par un vétéran de la guerre Iran-Irak; Hors-jeu (2006), offrant à nouveau une perspective sur la place de la femme dans la société iranienne, ici, à travers des jeunes femmes fan de football à qui l’on interdit l’entrée des stades. La récente histoire de Jafar Panahi n’est pas une nouveauté dans le cadre des relations entre le pouvoir et l’art. Le pouvoir politique s’est toujours montré très attentif aux diverses manifestations artistiques, que ce soit dans un régime totalitaire ou dans une démocratie…

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